BRIGITTE WARIDEL

CHER ALBAN,

Curieuse sensation : je m’adresse à vous sans vous avoir jamais rencontré. Je vous écris ces quelques mots sans vous avoir jamais vu.

Je vous ai découvert parce qu’un jour votre mère m’a montré votre travail, ces bois peints qui m’ont bien sûr fait penser tout d’abord à Jackson Pollock ; mais très vite derrière cette familiarité j’ai cru percevoir puis j’ai senti me traverser le souffle d’une âme tout à la fois douloureuse et exaltée, d’autant plus interpellante qu’elle s’exprime souvent par le truchement des couleurs usuellement associées à la joie, au bonheur, du moins à une certaine harmonie : le bleu turquoise, le rose, le jaune.

Une photo de vous sur une table du salon, au côté de celles de votre père, de votre frère. Vous avez… quoi ? 30 ans ? Vous ressemblez à un ange ; sous la frange de vos cheveux blonds, vos yeux bleus semblent ne rien dire des secousses qui habitent votre âme, du mal de vivre qui le dispute à la soif inextinguible de décoder le monde et l’univers. Quoique…

Françoise Jaunin décrypte avec acuité et humanité la réflexion qui sous-tend votre travail et votre technique.

Le regard que je porte sur ces fulgurances est d’un autre ordre ; j’essaie de faire le lien entre cet ange blond sur la table du salon et le jeune architecte en permanente recherche, entre ce regard bleu fixé par la pellicule un jour d’insouciance (?) et l’intensité par moments insoutenable de votre esprit qui ne semble jamais en repos. J’essaie d’embrasser d’un regard ces tableaux d’une oeuvre à tout jamais interrompue, à tout jamais figée et qui nous laisse sans réponse face au mystère de la trajectoire qu’elle aurait suivie dans une destinée différente.

BRIGITTE WARIDEL